L’objectivité scientifique, ce grand fantasme !

J’ai choisi de partager avec vous une de mes réflexions sur la science et l’engagement politique. Car même si mon discours ne revêt pas les plus beaux atours de la prétendue “objectivité scientifique”, il n’en est pas moins légitime.

L’objectivité scientifique, ce grand fantasme !

J’aurais aussi pu appeler cet article “L’objectivité, mon cul !” mais c’eût été un brin vulgaire.

Quand on parle de sciences, qu’elles soient dures ou “molles”, il faudrait ranger toute sa subjectivité au placard. Montrer patte blanche. Une patte immaculée, même.

Des personnes du milieu des sciences m’ont récemment fait savoir qu’elles étaient dérangées par le côté “partisan” de mon blog. Il manque, à leurs yeux, d’objectivité et de neutralité.

Il est vrai que je ne cherche pas à effacer mon opinion personnelle de mes articles. Mon blog a une dimension politique assumée.

Car je parle ici de sciences humaines, de sciences sociales et de sciences de l’environnement. Mais devrais-je rester de marbre devant les crises sociales et environnementales actuelles ?

Alors je me suis très sincèrement posé la question : cette dimension politique rend-elle mon propos moins crédible, moins fiable, moins vrai ?

Ai-je le droit de parler de sciences si je ne suis pas objective ?

Et puis d’abord, ça sert à quoi l’objectivité ?

Après plusieurs jours de réflexions sur le sujet, j’ai décidé de partager avec vous le fruit de ma remise en question.

Mais je dois vous prévenir : si vous avez souffert lorsque vous avez appris que le Père Noël n’existait pas, je vous conseille d’arrêter la lecture tout de suite.

Car l’objectivité n’existe pas non plus.

Vous voulez un mouchoir ?

En tout cas, l’objectivité telle qu’on la conçoit communément n’existe pas. Elle ne peut tout simplement pas exister.

L’objectivité serait l’absence de subjectivité, c’est-à-dire l’absence de parti pris ou de jugement de valeur.

“L’objectivité ainsi définie n’est pas la neutralité. C’est déjà un parti pris éthique, une position de valeur : celle de la valeur de la connaissance rigoureusement objective. Simone Manon, professeur de philosophie

En gros, si vous estimez que la neutralité est ce qu’il y a de mieux, vous êtes déjà en train de faire un jugement de valeur. Et donc, de ne pas être objectif.

ET BOOM ! Vous entrez dans un paradoxe.

Mais pour éviter de faire frire vos neurones, mettons ça de côté quelques instants.

Pour se protéger du paradoxe, on a trouvé une définition par défaut.

En pratique on a finit par considérer que l’objectivité, c’est ce qui permet de mettre tout le monde d’accord.

L’objectivité serait donc le consensus.

Alors pour réussir à mettre tout le monde d’accord, on a élaboré des méthodes scientifiques précises que les chercheurs doivent respecter et appliquer. Comme ça, on efface leur subjectivité.

Voilà qui semble être beaucoup plus gérable ! Mais en fait, ça reste compliqué…

Parce qu’il arrive très souvent que certaines études ou théories scientifiques ne fassent pas consensus au sein de la communauté scientifique. Même quand elles sont irréprochables d’un point de vue méthodologique !

Ça arrive surtout dans les champs de recherche nouveaux. Et il y a parfois de grosses controverses, en sciences sociales tout comme biologie ou en physique !

C’est le cas pour la théorie des cordes en physique théorique, mais je ne vais même pas essayer de vous l’expliquer parce qu’on s’en fiche ici. Il faut surtout retenir que les physiciens se tapent dessus depuis des années à propos de cette théorie. Et pourtant ça n’empêche pas les partisans de la théorie des cordes d’être considérés comme des scientifiques sérieux et de travailler dans les meilleures universités du monde.

Bref, pas besoin de dire des trucs consensuels pour avoir de la crédibilité scientifique.

Ceci dit, même si la recherche d’objectivité est vaine pour elle-même, elle reste la meilleure approche que l’on ait trouvée dans le monde de la recherche académique (c’est-à-dire dans les universités et les institutions reconnues), qu’il s’agisse de physique, de sociologie ou d’écologie.

J’ai bien dit “dans le monde de la recherche académique”. Le contexte est important !

Car aujourd’hui on commence à penser que tous les problèmes qui concernent le monde, les sociétés et les individus pourraient être réglés grâce à la science et à ses méthodes “objectives”. D’après cette logique, il serait donc souhaitable d’étendre l’objectivité scientifique à tous les domaines, sans exception.

Mais ça, ça s’appelle le scientisme.

Et c’est déjà une idéologie.

Oups, j’ai dis un gros mot !

Alors attention, ce n’est pas parce que je vous informe de la présence d’une idéologie que je la condamne forcément, ni que je condamne l’existence des idéologies en général. Je dis juste qu’il est utile d’en prendre conscience.

Pourquoi ? Parce que, comme nous le dis si bien Wikipedia, “une idéologie dominante est diffuse et omniprésente, mais généralement invisible pour celui qui la partage du fait même qu’elle fonde la façon de voir le monde.” C’est valable pour à peu près toutes les idéologies dominantes.

Ce genre d’idéologies oriente notre regard sur le monde sans même qu’on ne s’en rende compte. Mais comme on ne s’en rend pas compte, on a tendance à se croire “objectif”. Alors qu’en fait, on ne l’est pas.

D’ailleurs on ne peut pas être objectif. Car même en prenant conscience de certains de nos prismes de compréhension (valeurs, idéologies, etc), on ne s’en débarrasse jamais complètement. L’objectivité totale est un Graal inatteignable pour l’esprit humain.

Alors oui, la méthode scientifique moderne fait aujourd’hui partie des meilleurs outils à notre disposition pour comprendre le monde.

Mais ça ne veut pas dire qu’elle soit le seul outil valable !

Et ça ne veut pas dire non plus qu’il soit interdit de la questionner ! L’absence de réflexion critique est d’ailleurs le terreau fertile commun à toutes les idéologies.

Et puis, nous ne sommes pas à l’abri que l’Humanité découvre un tout nouveau système de pensée ou de recherche scientifique d’ici quelques décennies, un système qu’elle jugera bien meilleur, et qui fera ainsi tomber en désuétude notre science d’aujourd’hui. C’est déjà arrivé plusieurs fois dans l’Histoire.

Doutons, et restons humbles.

D’ailleurs je tiens à faire remarquer qu’il existe d’autres formes d’expertise. Elles n’ont pas le même rôle ni les mêmes méthodes mais elles sont aussi très importantes.

Je parle, par exemple, de l’expertise de terrain qui permet de relever ou de “sentir” des phénomènes bien avant qu’ils n’aient fait l’objet d’un programme de recherche institutionnel.

Je parle de l’expertise des agriculteurs, des professeurs, des ouvriers, des médecins, des amoureux de la nature, et de bien d’autres encore.

Ils n’ont pas de titres ronflants sur leurs cartes de visite mais ils ont, eux-aussi, une certaine légitimité à parler de ce qu’ils observent au quotidien. Et c’est même leur implication personnelle dans leurs activités qui en fait de très bons observateurs.

Il y a des choses que l’on peut comprendre empiriquement, sur le terrain, sans appliquer la fameuse “méthode scientifique” au doigt et à l’oeil.

Certes, on ne peut pas tirer les mêmes conclusions de ces différentes approches, mais elles sont complémentaires. Les travaux d’investigation des journalistes sur des questions sanitaires ou environnementales, aussi imparfaits qu’ils soient, permettent également de faire la lumière sur des phénomènes inconnus, ignorés ou volontairement dissimulés.

Alors je précise bien que je ne rejette pas l’objectivité scientifique en tant que concept ou objectif, je cherche juste à questionner le piédestal sur lequel notre société l’a installée.

Car même si l’objectivité scientifique nous est bien utile dans certains contextes, ça ne veut pas dire qu’elle doive absolument s’appliquer à tous les aspects du monde et de la vie, au détriment des réflexions éthiques, morales, et donc… subjectives.

“Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.”

Et c’est grâce à Rabelais que je commence à parler politique.

Parce que nous ne vivons pas dans un monde “objectif”. Passées les portes des laboratoires (et encore, on va y revenir), le monde est éminemment politique.

De manière générale, il serait naïf, et parfois dangereux, de croire que l’on peut sortir les sciences de leur contexte politique, culturel ou philosophique. Surtout en biologie, en médecine, ou en sciences sociales.

Loin de sa neutralité théorique, le scientisme lui-même a souvent inspiré des idéologies politiques. Qu’il s’agisse du racisme, du marxisme, du djihadisme, du capitalisme ou du néolibéralisme, chacun d’entre eux ayant leurs sciences favorites. Les totalitarismes comme le communisme en URSS ou le nazisme en Allemagne auraient aussi abondamment puisé dans les concepts scientistes.

Un certain nombre de régimes et d’idéologies totalitaires ont usé et abusé des “preuves scientifiques” pour justifier leur bien-fondé.

Certaines de ces données scientifiques ont pourtant été produites par des équipes scientifiques de bonne foi (sans pour autant être dépourvues de biais) avant d’être instrumentalisées et utilisées à des fins idéologiques ou politiques.

L’apparente objectivité d’un discours scientifique ne garantit pas sa neutralité politique.

L’exemple des “progrès” technologiques en matière d’armement fait généralement l’unanimité. Je parle du gaz moutarde, de la bombe atomique ou de l’agent orange : des technologies qui ont toutes, je n’en doute pas, été élaborées grâce à des méthodes scientifiques tout à fait objectives… dans un monde qui ne l’est pas !

“La puissance de la science a été obtenue par une focalisation de l’esprit éthique à l’intérieur de sa propre démarche, en abandonnant les problèmes de ses retombées dans la société et dans la nature”. — Jacqueline Feldman, pour la Revue européenne des sciences sociales .

L’objectivité scientifique ne fait pas tout. Loin de là ! C’est aussi à ça que servent notre conscience et notre sens moral, qui reposent en partie sur notre sens de l’empathie. Nos engagements éthiques peuvent être subjectifs, et pourtant ils sont capitaux.

Car j’ai la désagréable impression d’assister encore aujourd’hui à des dérives malsaines et totalitaires du scientisme lorsque l’on privilégie certaines “prouesses” scientifiques et technologiques au détriment de l’intérêt et de la volonté des populations.

Notre société actuelle, loin d’être objective à l’égard des sciences, valorise certaines sciences bien plus que d’autres. Au sein de l’opinion publique et des nos gouvernements, on remarque facilement une hiérarchie des sciences : les sciences “dures”, dont les sciences physiques et informatiques, auraient beaucoup plus de valeur que les sciences humaines et sociales.

De même au sein des sciences sociales, les sciences économiques ne sont plus envisagées que pour leur capacité à optimiser, rentabiliser, capitaliser. Au détriment de la santé physique et mentale des personnes qui subissent des décisions politiques pourtant “scientifiques”.

Aujourd’hui, on balaie de la main les préoccupations éthiques et existentielles des populations en leur répondant avec des chiffres.

Cette vision des sciences nie la complexité du monde et de la nature humaine en les réduisant à des bases de données, à des statistiques, et à des profits. On considère que le “progrès technologique” règlera tous nos problèmes. Paraît qu’il y a une app’ pour ça.

D’ailleurs, s’il vous reste encore une once d’ingénuité à propos de la neutralité politique dans le monde des sciences, je vais devoir la briser une fois pour toutes.

La politique suinte même à travers les murs des laboratoires.

Dans notre système politique et économique actuel, où l’argent public devient une ressource rare, l’allocation de financements pour la recherche n’est pas une décision prise au hasard.

On choisit scrupuleusement les programmes de recherche que l’on estime en valoir la peine, ce qui implique donc un jugement de valeur politique bien plus que scientifique.

Dans le public comme dans le privé, les personnes qui décident réellement de l’avenir d’un projet de recherche sont celles qui choisissent de lui accorder des financements… ou pas. Et, en général, elles ne le font pas de manière “scientifiquement objective”.

Quand les dirigeants décident d’investir dans tel ou tel domaine, leur décision ne repose que rarement sur un amour inconditionnel pour la science.

C’est plutôt un jeu d’échecs complexe où se rencontrent les ambitions personnelles, les intérêts économiques, les alliances politiques, les concurrences technologiques, et les enjeux diplomatiques. A la fois à l’échelle des individus, des organisations, et des Etats.

Un des exemples les plus emblématiques est sans doute le programme spatial des Etats-Unis, mis en place pendant la Guerre Froide. A la fin des années 1950, l’URSS parvient à lancer dans l’espace le tout premier satellite artificiel, Spoutnik. Suite à ce succès soviétique, les Etats-Unis décident d’investir massivement dans un programme spatial national et créent ainsi la NASA en 1958.

Par amour de la science, les Etats-Unis auraient donc pu travailler conjointement avec l’URSS pour découvrir les mystères et les trésors de l’espace ! C’était évidemment inconcevable. Il s’agissait avant tout de démontrer la supériorité scientifique, technologique, militaire, et même idéologique des Etats-Unis sur l’URSS.

Ce programme spatial, même s’il a permis des avancées scientifiques et technologiques majeures, avait donc un but essentiellement géopolitique. Si l’URSS n’avait pas été là pour titiller les nerfs des dirigeants américains, qui sait si la Lune aurait déchaîné autant de passions à Washington… ?

Dans les institutions privées, c’est à peine différent : on investit surtout dans des sujets de recherche qui, tôt ou tard, rapporteront un bénéfice, qu’il s’agisse d’un bénéfice financier ou politique (via du lobbying et des opérations de communication par exemple). Et je ne dit pas que ce sont forcément des gros méchants pas beaux, c’est juste la réalité. Il peut s’agir de laboratoires pharmaceutiques comme d’ONG célèbres.

Dans ces cas-là, on peut évidemment mener des recherches correctes du point de vue scientifique. Mais la démarche globale, elle, n’est pas impartiale. Et je ne dis pas que c’est mal ! Je dis juste que c’est comme ça.

Donc il serait bien naïf de croire que la science ne fréquente jamais le politique.

En fait, les institutions de recherche scientifique sont souvent à la merci du contexte politique et économique.

Sans oublier que notre organisation sociale influence directement la composition des équipes de recherche. Dans notre monde sexiste et gangréné par les inégalités sociales, le milieu de la recherche reste très largement masculin et les étudiants qui parviennent au doctorat sont généralement issus de milieux sociaux favorisés.

Cet entre-soi permet peu de remise en question et renforce l’idée qu’il n’existe qu’une seule vision de l’objectivité : la leur.

Pas étonnant que l’on accuse régulièrement le monde de la recherche d’être haut perché dans sa tour d’ivoire…

Mais devant cette toute puissance du discours scientifique, il ne faut pas oublier notre rôle à nous, citoyens.

Il n’y a pas que la science qui compte, il y a aussi la démocratie.

Dans une démocratie déjà grignotée par tous les bouts, il serait dangereux de nous laisser dicter notre vie entière par des “experts” auto-proclamés, qu’ils soient scientifiques ou politiques. Leurs blouses blanches et leurs costumes de luxe ne leur donnent pas tous les pouvoirs sur nous.

Il ne faut pas non plus se laisser berner par certaines méthodes de communication qui jonglent, plus ou moins grossièrement, avec les codes et le jargon de “l’objectivité” pour se donner une contenance et une crédibilité.

Ce n’est pas parce qu’un discours a l’air objectif (et notamment un discours politique !) qu’il l’est réellement, ni qu’il a quoi que ce soit de scientifique. Ni qu’il est moralement juste.

Nous avons le droit de questionner la science, même si elle se présente de manière “objective”. Et nous avons le droit de la questionner même si nous n’avons pas de doctorat.

Nous avons le droit de questionner les décisions politiques qui disent s’appuyer ou se justifier grâce à “des études scientifiques”.

Et nous avons le droit d’élever notre voix à propos des conséquences que ces décisions politiques ont sur notre vie et notre environnement.

Il serait dangereux, aussi, d’entretenir une confiance aveugle en la fameuse “objectivité scientifique”, et de reléguer toute pensée subjective ou éthique au rang de sensiblerie sans importance ou d’ignorance crasse.

Je tiens d’ailleurs à faire remarquer que même les grands scientifiques cherchent parfois du réconfort et du sens en dehors des limites de la rationalité pure. Un grand nombre d’entre eux pratique une religion ou une forme de spiritualité qui ne repose sur aucune preuve “scientifique”. Après tout, les scientifiques n’en sont pas moins des humains.

Ceci étant dit, la recherche scientifique apporte tout de même des connaissances extrêmement utiles à notre démocratie. Et il serait fort dommage de ne pas en tirer des conclusions politiques.

Car toutes les décisions qui s’appuient sur la science ne sont pas mauvaises, soyons bien d’accord là-dessus !

Les données sur le changement climatique et la surexploitation des ressources naturelles nous permettent, par exemple, de prendre conscience de l’état du monde, de faire des projections sur le futur et de décider dans quel avenir nous souhaitons vivre. Et c’est pas rien !

Sachez, d’ailleurs, qu’il y a énormément d’ouvrages de recherches scientifiques qui dorment dans les allées des bibliothèques et qui, pourtant, apportent des réponses aux plus grands problèmes de l’Humanité…

Mais encore faut-il savoir les lire ! Parce qu’ils s’adressent en général à d’autres scientifiques, et pas au grand public… C’est là le rôle de la vulgarisation scientifique, qui se trouve bien obligée de faire des simplifications, des raccourcis, ainsi que quelques jolies pirouettes “subjectives” pour retenir votre attention et vous divertir au passage.

Et même là ! Quand le vulgarisateur choisit un thème, qu’il soit professeur, journaliste ou blogueur, il le fait encore une fois de manière subjective parce qu’il estime, grâce à un jugement de valeur, qu’un sujet sera plus intéressant à traiter que des milliards d’autres sujets possibles. Donc même si le traitement du sujet est «objectif», le choix de mettre en avant ce sujet plutôt qu’un autre repose sur des intérêts subjectifs, professionnels, politiques ou économiques. Encore une fois.

Et moi dans tout ça ?

Je fais ce qui me semble être juste. En toute subjectivité.

Parce que je suis faillible et incompétente dans de nombreux domaines.

Parce que je ne suis pas à l’abri des idéologies.

Parce que je ne suis pas non plus à l’abri des contradictions qui font la nature humaine.

Parce que je sais que ma vision du monde est biaisée. Et que mes capacités intellectuelles sont limitées.

Et je ne cherche surtout pas à prétendre le contraire.

Je n’ai qu’un cerveau, que deux bras. Tout comme vous. Tout comme les plus grands experts scientifiques.

Pour ma part, je cherche surtout à avoir une compréhension systémique du monde, c’est-à-dire que je cherche à avoir une vision globale et à comprendre les différents mécanismes qui s’influencent mutuellement.

Je sais, grâce aux sciences sociales, que les crises sociales et environnementales sont directement liées aux questions politiques. Elles sont mêmes causées par la politique.

Il me paraît donc impossible de parler de sciences sociales et de sciences environnementales sans parler de politique.

Alors j’en appelle aussi à la subjectivité de mes lecteurs, à leurs émotions, à leur sens moral. Je veux les amener à prendre conscience de leurs responsabilités collectives et personnelles.

Je ne cherche pas à avoir un discours “apolitique” et c’est bien ça qui gêne, semble-t-il. Mes positions ne font pas consensus auprès de mes concitoyens, j’en suis consciente. Et si vos positions politiques sont différentes des miennes, il est normal que vous trouviez mon discours subjectif ou idéologique. Je pense probablement la même chose à votre encontre.

Même si je parle de sciences, mon discours n’est pas uniquement scientifique, il est aussi politique. Je n’écris pas ici en tant que chercheuse dans un monde académique supposément objectif, mais en tant que citoyenne dans un monde résolument politique. Mon approche en matière d’éthique et d’objectivité est donc différente. Tout est une question de contexte, je le répète.

Devrais-je déguiser mon discours politique en utilisant les codes de l’objectivité pour qu’il soit plus crédible ? Je saurais le faire, mais ce serait vous tromper sur la marchandise et je n’en ai pas envie. Je ne suis pas là pour vouer un culte à l’Objectivité Scientifique, sainte vierge dans ce vaste monde de pécheurs, mais pour partager avec vous ma compréhension du monde, toute politique qu’elle est.

Mes articles ne sont donc pas des évangiles scientifiques. Ce sont des pistes de réflexion politique. Ni plus, ni moins.