Pourquoi les écolos arrêtent la viande

D’après l’ONU, la viande c’est aussi un des pires émetteurs de gaz à effet de serre. Du coup j’en fais quoi de ma blanquette, moi ?

Pourquoi les écolos arrêtent la viande

En France, la viande c’est sacré. C’est le royaume divin de la blanquette, de l’andouillette et du saucisson. Mais d’après l’ONU, la viande c’est aussi un des pires émetteurs de gaz à effet de serre. Pire encore que tous les transports du monde entier réunis, avions, bateaux, voitures, trains, motos, tapis volants. Bon, du coup j’en fais quoi de ma blanquette, moi ?


Il était une fois au pays merveilleux du boudin blanc, des animaux aux joues roses qui se prélassaient gaiement dans des prairies bien grasses. Ils se nourrissaient de grain qui croustille sous la dent et d’herbe qui fond sous la langue. Ce serait donc ça, la recette secrète de beaux jambons lisses et soyeux.

Une oeuvre d’art signée Alexandra d’Imperio

Ça, c’est ce que les publicités pour la viande aiment bien nous raconter, enfin à peu de choses près. Elles nous parlent d’une viande authentique et saine, digne représentante de nos terroirs, qu’il s’agisse ici de viande normande ou ici de viande limousine.

On peut au moins leur reconnaître une chose, c’est qu’à défaut d’être parfaitement honnêtes sur la manière dont la viande est produite, ces publicités tapent dans le mille. La viande est un élément central de la gastronomie française, qui est elle-même un élément central de la culture française, qui est elle-même un élément central de l’identité française.

Bref, la viande c’est super important pour les Français.

Oui, je suis aussi une poète.

On n’y pense pas tous les jours, mais il y a beaucoup de symboles dans la nourriture. Quand on mange de la viande, on fait bien plus que manger de la viande : on revendique notre culture et nos traditions, fiers Français que nous sommes ! Alors nous vendre de la viande avec l’argument “terroir”, c’est jouer sur notre corde sensible.

Mais l’industrie de la viande est de plus en plus épinglée dans les médias pour son manque d’éthique et de transparence. Il faut dire qu’il y a beaucoup de choses pas très glorieuses qu’elle essaie de cacher sous le tapis. Il y a tant de choses à dire, qu’Anne de Loisy, journaliste pour l’émission Envoyé Spécial, en a écrit tout un livre après avoir enquêté sur cette industrie pour un reportage de l’émission.

C’est aussi pour ça que, maintenant, les publicités se focalisent surtout sur le plaisir de manger de la viande, pour ne pas s’avancer sur les sujets qui fâchent.

Tant de subtilité.

Je comprends tout à fait que, par exemple, l’industrie de la viande n’ait pas très envie qu’on parle de sa responsabilité dans le changement climatique. Ni de sa responsabilité dans la pollution des sols, des nappes phréatiques, des rivières, et des mers. Ni de sa responsabilité dans la prolifération des algues vertes mortelles qui infestent le littoral Breton.

Du coup, je le fais pour elle. De rien ma vieille !

Mais parler des problèmes liés à la viande ne gène pas que l’industrie.

Ça nous gène, nous-aussi. Vous, moi, nous les bons vivants de France et de Navarre.

Nous, humains, avons tendance à résister, de manière inconsciente, aux informations scientifiques qui ne correspondent pas à notre vision du monde. Cette résistance peut prendre la forme du biais de confirmation, un biais psychologique inconscient : nous ne voyons que ce qu’il est agréable de voir et qui confirme notre vision du monde. Et dans notre cas, il peut aussi nous faire ignorer ou minimiser ce qui nous gêne, parce que sinon ça nous forcerait à remettre en question notre vision du monde et ce serait trop désagréable.

Donc remettre en question notre consommation de viande, c’est très compliqué et très pénible. Parce que ça veut dire remettre en question certaines de nos valeurs les plus profondes. Et remettre en question ses valeurs, c’est toujours très douloureux. Tellement douloureux que beaucoup de gens préfèrent faire l’autruche devant les preuves scientifiques (voir mon article Pourquoi tous le monde se fiche du changement climatique).

On parle de moi ?

Dans le pire des cas, présenter des faits scientifiques peut même provoquer une réaction complètement inverse et contre-productive chez certaines personnes. A savoir que les gens rejettent totalement les preuves scientifiques et vont au contraire renforcer leurs croyances de départ par mécanisme de défense. C’est ce qu’on appelle l’effet boomerang (ou effet “retour de flamme” / backfire effect).

Un exemple (pas si) extrême de l’effet boomerang (backfire effect) serait de commencer une discussion sur l’impact environnemental de la viande avec un sympathique omnivore et qu’il se transforme soudainement en un carnivore fanatique, parce qu’il se sera senti menacé dans son identité profonde de mangeur de saucisson.

Mais ignorer le problème ne le fait pas disparaître, et la réalité nous rattrapera bien assez vite.

Il faut donc une très grande ouverture d’esprit pour accepter de réfléchir à quelque chose que nous considérons être aussi naturel et essentiel que la viande.

Allez les amis, on respire un bon coup, on ouvre grands nos chakras, et on y va !

Je vais vous parler de l’un des trucs les plus puissants qui existent pour lutter contre le changement climatique et contre la pollution. Et qui n’inclut pas de se peler le jonc à vélo par -8000°C, ni de s’éclairer à la bougie pendant tout l’hiver, ni de vendre un rein.

Tu l’as dis Jimmy !

Le steak a du plomb dans l’aile

A l’échelle de la planète, la viande a de plus en plus de succès. C’est surtout parce que les pays en développement, au fur et à mesure qu’ils s’enrichissent et s’urbanisent, changent leur rapport à l’alimentation. Dans ces pays la viande est considérée comme un aliment de luxe et elle symbolise le prestige social. Manger de la viande, c’est un signe extérieur de richesse. En gros, on se la pète avec un steak.

Alors dès que les classes moyennes peuvent se le permettre, elles augmentent leur consommation de viande. C’est ce que l’on appelle la transition alimentaire. En moyenne (parce que les choses sont radicalement différente selon que l’on parle de citadins ou de ruraux), les Chinois ont plus que triplé leur consommation de viande depuis 30 ans, dépassant 60kg par personne et par an depuis 2010. Et la tendance ne va vraisemblablement pas s’arrêter là.

En Europe en revanche, la consommation de viande décline depuis la fin des années 1990. Elle avait fortement augmenté pendant les décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, à l’époque où notre continent connaissait une forte croissance économique, un développement industriel fulgurant, et découvrait la société de consommation. Mais l’heure de gloire de la viande est aujourd’hui passée. Après un pic de consommation à 94kg par an et par personne en 1998, les Français en consomment aujourd’hui moins de 85kg.

Entre leur pouvoir d’achat en berne et les différents scandales sanitaires, les Français en ont un peu raz la casquette et commencent à prendre de nouvelles habitudes alimentaires. Les catégories sociales les plus aisées mangent en général moins de viandes (et plus de poisson) que les catégories moins aisées, mais la baisse de consommation de viande s’est généralisée à l’ensemble des classes sociales.

Comme le résume l’anthropologue Geneviève Cazes-Valette :

“La viande a une fonction symbolique très forte. Quand on est pauvre, on en rêve. Quand on devient un peu moins pauvre, on en mange. Quand on est riche, on sature.”

Depuis un moment, les recommandations diététiques revoient à la baisse les apports conseillés en viande dans les pays développés. Les récentes conclusions de l’Organisation Mondiale de la Santé à propos du lien entre la viande rouge et certains cancers viennent juste en rajouter une couche.

Vous aussi, mangez votre meilleur ami !

Mais surtout, on avance aujourd’hui dans le XXIème siècle avec cette gigantesque épée de Damoclès qu’est le changement climatique. Ô joie !

Que ce soit l’ONU ou le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (le GIEC comme on l’appelle) qui le disent, le constat est sans appel : l’élevage est responsable d’une très grande partie des émissions de gaz à effet serre d’origine humaine.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (que l’on appelle la FAO),

14,5% des gaz à effet de serre viennent de l’élevage.

Ce chiffre est calculé en équivalent CO2 pour les différents gaz.

C’est pas rien, puisque c’est encore plus que les transports, qui compteraient pour environ 13 à 14%. Il y a de quoi remettre les pendules à l’heure.

Une très grande partie de ces gaz à effet de serre dus à l’élevage sont causés par la décomposition du fumier (10% des émissions du secteur), et par la digestion des animaux (39%), notamment par les flatulences, où il s’agit surtout de méthane, un gaz vingt-trois fois plus puissant que le dioxyde de carbone dans le réchauffement climatique. Les plus gros émetteurs sont de très loin les bovins.

Selon Tim Benton, chercheur en biologie à l’Université de Leeds (Royaume Uni) :

“L’intervention la plus efficace que les gens puissent faire pour réduire leur empreinte carbone n’est pas d’abandonner leurs voitures, mais de manger significativement moins de viande rouge.”

Pour Lord Stern, ancien chef économiste et vice-président de la Banque Mondiale (2000–2003) et auteur d’un célèbre rapport sur l’économie du changement climatique, les choses sont claires :

“La viande gâche de l’eau et crée beaucoup de gaz à effet de serre. Elle met énormément de pression sur les ressources mondiales. Un régime végétarien est bien meilleur.”

Comme quoi, il n’y a pas que des écolos perchés qui le disent.

Il y a clairement une piste à explorer par ici.

Mais ça ne sent pas très bon pour ma blanquette.


Le vrai prix de la viande

Avant d’écrire cet article, je voulais surtout parler des problèmes environnementaux liés à la production de viande. Et dire que c’est genre, vraiment pas cool. Au fur et à mesure de mes recherches, je me suis finalement dit que faire une liste exhaustive de tous les problèmes, ce serait non seulement super long, mais aussi super badant. Et bader c’est nul.

Mais il n’empêche qu’on a aujourd’hui des choix de société très importants à faire, par rapport au changement climatique mais aussi parce qu’on a atteint les limites de ce que notre environnement et notre santé peuvent supporter. Notre énorme appétit pour la viande a de grandes responsabilités là-dedans. Au XXIème siècle, manger de la viande n’est plus uniquement un choix individuel.

Comme l’explique Adrien Bebb de l’association Les Amis de la Terre :

“Chaque fois que nous mangeons nous faisons un choix politique ayant un impact sur la vie des gens dans le monde, l’environnement, la biodiversité et le climat”.

Explication. Vous trouvez que la viande est chère ? Pourtant, nous ne payons qu’une fraction de son prix quand on passe à la caisse. Déjà parce que le secteur reçoit beaucoup de subventions (financées indirectement par le contribuable), mais surtout parce que la majeure partie des coûts de la viande n’est pas payée tout de suite par le consommateur. Elle est payée à court et à long terme par la société.

Premièrement parce quil faut payer pour dépolluer l’environnement, comme les plages de Bretagne qu’il faut nettoyer tous les ans à cause des “marées vertes”. Il faut aussi payer pour s’adapter face au changement climatique, en construisant des digues toujours plus hautes pour faire face à la montée du niveau de la mer ou en accueillant des millions de réfugiés climatiques, entre autres choses. En plus de ça, il faut prendre en charges les problèmes de santé des habitants exposés à la pollution, et les problèmes de santé des consommateurs de viande (intoxications, maladies cardio-vasculaires, et autres joyeusetés).

C’est ce qu’on appelle des coûts externalisés : ce ne sont pas les industriels qui paient mais les citoyens, qu’ils mangent de la viande ou pas. Des économistes américains ont calculé qu’aux Etats-Unis, cela représenterait au moins 414 milliards de dollars par an.

En voyant ce chiffre, je me suis dit que ça ressemblait au PIB d’un pays en développement. Bingo : c’est l’équivalent du PIB de la Thaïlande en 2014.

En Europe, le coût de la pollution à l’azote (largement due à l’industrie de la viande, dont ce n’est qu’une partie de la pollution) coûterait jusqu’à 320 milliards d’euros par an selon l’Etude Européenne sur l’Azote de 2011. Donc quelque part entre le PIB de Singapour et celui de la Malaisie. Rien que pour la pollution à l’azote. Bravo le veau !

Alors pour commencer à comprendre que la viande c’est beaucoup plus qu’un morceau de bavette accompagné de haricots verts en sauce, il fallait quand même développer un peu.


Comment on fait pousser du steak

En France, les consommateurs de viande l’achètent en très grande majorité dans les supermarchés où elle est empaquetée et présentée de manière à ce que les consommateurs ne se posent pas trop de questions. Mais justement, posons nous des questions. Comment elle est arrivée là, cette viande ?

Du steak en forme de nounours et d’étoile filante, vu chez Carrefour.

Je ne vous apprends rien, mais la viande ça vient des animaux. On a juste tendance à l’oublier, puisqu’on ne les voit jamais. Surtout parce que 80% à 95% de ces animaux en fonction des espèces ne sont pas élevés en plein air, mais dans des élevages industriels qui ressemblent plutôt à de gigantesques hangars (80% pour les poules, 95% pour les porcs). Ce n’est pas une pensée très agréable pour le consommateur, et le marketing de la viande fait tout pour ne pas contredire l’image bucolique et pour le moins anachronique que nous avons de l’élevage. Il faut dire que les Français ont une très mauvaise opinion de l’élevage industriel, et pour cause.

Dans le reportage Arte “L’Adieu au steak”, la voix off commente : “Littéralement entassés dans des bâtiments surpeuplés, les volatiles croupissent sans voir l’air libre sur des sols jonchés d’excréments. On peut en compter jusqu’à 24 au mètre carré, résultat : ils tombent souvent malades”.

L’administration massive d’antibiotiques aux animaux, pour éviter la propagation de maladies dans de telles conditions, favorise l’apparition de germes résistants et rend les antibiotiques de moins en moins efficaces pour les humains. C’est un problème sanitaire très sérieux, beaucoup de gens en meurent, et ça pourrait s’aggraver dans le futur si ça continue comme ça. Je ne vais pas rentrer dans plus de détails ici, mais vous pouvez regarder le reste du documentaire pour vous faire une idée.

Demain le film

Je ne vous apprendrai pas non plus que ces animaux d’élevage, il faut les nourrir. Il faut produire énormément de nourriture pour eux, au point que un tiers (voire même 40%) de toutes les céréales produites dans le monde servent à nourrir les animaux d’élevage, et jusqu’à 70% dans les pays développés. C’est vraiment, vraiment beaucoup.

Ce sont surtout de très grosses entreprises de l’industrie agroalimentaire qui produisent ces céréales, à grand renfort de fertilisants et de pesticides chimiques. Elles produisent énormément de soja génétiquement modifié (OGM), produit avec du glyphosate (le RoundUp de Monsanto), un pesticide qui détériore durablement les sols, détruit la biodiversité et empoisonne probablement les humains. L’Europe, où les OGM sont pourtant interdits à la culture, importe massivement le soja OGM d’Amérique du Sud pour nourrir ses animaux d’élevage. Mais on n’en fait pas trop de pub.

Et ce n’est pas tout. Aujourd’hui, la majeure partie de la déforestation de la forêt amazonienne est due à l’élevage, qu’il s’agisse de faire de la place pour produire des céréales (et surtout du soja) ou faire pâturer les bêtes. L’utilisation massive de fertilisants pollue tout l’environnement, en passant par les cours d’eau. Ils nuisent aux plantes et aux animaux, en plus d’être cancérigènes pour l’homme. Le reportage Arte montre bien les dégâts des produits chimiques, et en particulier du glyphosate, sur les populations.

Les fertilisants contribuent même à la formation de « zones mortes » dans les eaux côtières, c’est-à-dire des zones privées d’oxygène où les poissons ne peuvent pas survivre. L’Europe est désormais entourée de mers détériorées : la mer Baltique, la mer Noire, la mer d’Irlande, la côte espagnole et l’Adriatique ont toutes des « zones mortes ».

Aussi, l’élevage requiert des quantité astronomiques d’eau, tant pour faire pousser la nourriture des animaux que pour les élever. Alors que nous devons repenser notre manière de gérer les ressources, et surtout l’eau, à cause du changement climatique, c’est non seulement détourner cette eau d’une utilisation plus efficace, mais c’est aussi polluer durablement le peu d’eau douce à notre disposition.

Ne pas laisser couler l’eau pendant qu’on se brosse les dents c’est très mignon, mais ce n’est rien à côté du burger qu’on a mangé à midi.

Ingrid Jacquet

OK. Donc. On achète des cadavres d’animaux malades, élevés dans des hangars industriels, nourris avec des OGM et des engrais chimiques, qui eux-mêmes tuent des gens et pourrissent nos plages.

Trop cool.

Je pourrais énumérer les problèmes environnementaux causés par l’élevage encore très longtemps. En ce qui concerne les gaz à effet de serre, la FAO conclut qu’il y a “plusieurs façons de réduire les émissions du secteur : réduire la production et la consommation, réduire l’intensité des émissions, ou réduire les deux !

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’élevage en pâturage n’est pas forcément meilleur que l’élevage industriel en terme de gaz à effet de serre. Aux Etats-Unis, un boeuf d’élevage industriel produirait moitié moins de gaz à effet de serre qu’un boeuf de pâturage.

Comme l’explique cet article du Courrier International : “Cela est dû au fait que le pâturage en plein air est par nature inefficace. Les animaux brûlent de grandes quantités d’énergie en se déplaçant dans le paysage pour manger des végétaux relativement inassimilables. Ils ont un rythme de croissance inférieur aux animaux de l’élevage industriel et émettent donc plus de méthane au cours de leur existence”.

Ce qui fait dire à Walter Falcon, économiste agricole à l’Université de Stanford (Californie), que “si l’on ne doit conserver que certains systèmes d’élevage, je pense que l’on ne conservera que les élevages intensifs” pour faire face à la demande actuelle. Super nouvelle.

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Tout ça alors que les animaux d’élevage absorbent plus de protéines comestibles pendant leur croissance que leur viande n’en fournit au final selon les conclusions de la FAO. Sans les animaux d’élevage, nous aurions déjà assez de nourriture sur Terre pour 12 à 15 milliards d’humains. Nous sommes aujourd’hui 7,3 milliards, dont près d’1 milliard de gens sont encore exposés à la malnutrition. Donc non, ce n’est pas une question de surpopulation.

Sommes-nous trop nombreux sur Terre ?
Autrement dit : est-ce irresponsable de faire des enfants au 21ème siècle ?troisiemebaobab.com


Et maintenant on fait quoi ?

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut y faire quelque chose. On l’oublie souvent mais nos choix de consommation peuvent avoir énormément d’impact. En pratique c’est probablement les actions les plus faciles à faire pour lutter contre le changement climatique, pour régénérer l’environnement et arrêter de massacrer notre santé.

“Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas !” — Coluche

Déjà, diminuer notre consommation moyenne de viande fera une énorme différence, environnementale et sociale. Ça sera aussi bénéfique pour notre santé. On est déjà sur le bon chemin, puisqu’on réduit doucement notre consommation moyenne depuis plusieurs années.

Veggie swag

Il suffirait de suivre les recommandations nutritionnelles de l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Harvard pour réduire les gaz à effet de serre autant que si l’on arrêtait la moitié du trafic routier dans le monde (chapitre 11 du rapport du GIEC). Ce serait plutôt impressionnant.

Il s’agirait ici de limiter sa consommation moyenne de viande de ruminants à 10g par jour (soit un steak toutes les deux semaines environ) et la consommation des autres viandes, du poisson et des œufs à 80g par jour (l’équivalent de quatre escalopes de poulet par semaine). Soit moins de 33kg de viande par an d’après mes calculs. Ce qui correspond, en quantité, à la consommation annuelle de viande d’un Français au milieu du XIXème siècle.

Mais vous n’êtres pas obligés de vous sevrer tout seul dans votre coin. A plusieurs ça marche encore mieux !

Aussi, vous n’avez pas besoin d’être parfait du premier coup, parce que ce sont des choses qui vont souvent à l’encontre de notre éducation, et que chacun réapprend à son propre rythme. C’est comme les résolutions du nouvel an, il faut parfois plusieurs mois de janvier pour y arriver.

Ça a l’air de rien, mais pour changer ses habitudes il faut d’abord se trouver un point de départ et prendre de nouveaux réflexes.

Voici une idée de point de départ. Il y a plein de gens qui essaient de créer un mouvement collectif de réduction de la consommation de viande. Notamment le célèbre Meatless Monday, en français le “lundi sans viande”, un mouvement fondé en association avec l’Université de Johns Hopkins aux Etats-Unis, et qui est maintenant actif dans pas moins de trente-six pays. Une des forces de ce mouvement est de proposer aux gens un petit changement (pas de viande le lundi), pas très contraignant ni très effrayant, tout en suggérant des recettes végétariennes appétissantes.

Et en attendant, vous pouvez privilégier la viande biologique qui vous coûtera un peu plus cher sur le moment mais coûtera beaucoup moins cher à la société, à l’environnement et à votre santé. Des petits pas qui nous mènent déjà très loin !

, un site canadien satirique, façon Le Gorafi.

L’étape d’après, c’est de ne manger de la viande qu’une fois de temps en temps, voire jamais. Mais pas de panique, quand vous en serez là, ce sera juste un petit level up.

Un rapport de l’ONU datant de 2010 dit que “une réduction substantielle des impacts ne sera possible qu’avec un changement substantiel de régime alimentaire à l’échelle mondiale, en écartant les produits d’originale animale”. Et beaucoup d’autres études convergent dans ce sens. Cette étude par exemple établit qu’une alimentation végétarienne peut avoir jusqu’à deux fois moins d’impacts négatifs sur l’environnement qu’une alimentation avec de la viande.

Manger moins ou pas de viande du tout, c’est beaucoup plus effrayant quand on y pense que quand on le fait. Regarde, même le célèbre chef cuisiner Alain Ducasse a retiré la viande du menu de son restaurant et il a l’air très content de lui !

Alain Ducasse content.

Ne plus manger de viande, c’est pas la fin des haricots !

Il y a plein d’autres trucs super bons à manger, et en plus c’est beaucoup, BEAUCOUP moins cher que la viande. C’est mieux pour l’environnement, pour la santé… et pour le porte-monnaie aussi !


Oui, nous aurons assez de protéines

Pour Yves-Martin Prével, épidémiologiste et nutritionniste, il n’y a de toute façon pas de problème : “Il est vrai que nous avons besoin de protéines. Reste que nos sociétés ont tendance à les magnifier. […] Tout d’abord, vous pouvez très bien vous passer des protéines animales, et ne consommer que des protéines végétales. […] Ensuite, les besoins en protéines n’ont cessé d’être révisés à la baisse depuis les années 1980. En définitive, tout ce bruit autour des protéines animales est un faux débat.”

Eh oui, on a tendance à l’oublier mais les protéines ne se trouvent pas que dans la viande, loin de là !

La FAO (qui est un organe de l’ONU, pour rappel) le dit clairement : même si les produits d’origine animale représentent une aide nutritionnelle intéressante dans les pays en proie à la malnutrition, ils ne sont pas forcément nécessaires dans les pays développés, où on a facilement accès à une grande diversité de produits (dont légumes, légumineuses et fruits) dans lesquels nous trouvons toutes les protéines dont nous avons besoin.

Pour manger complètement végétarien (pas de viande, mais quand même des produits laitiers et des oeufs) ou même végétalien (sans viande, ni produits laitiers ni oeufs), un peu d’éducation nutritionnelle est nécessaire. Mais c’est valable pour tout le monde : les mangeurs de viande ne sont pas pour autant exempts de problèmes alimentaires et de carences.

Si vous faites de rapides recherches sur internet, vous trouverez que beaucoup d’athlètes sont végétariens et même végétaliens, et que cela ne pénalise pas leurs capacités physiques. Bien au contraire, puisque certains font ce choix de régime alimentaire pour augmenter leurs performances. On citera par exemple le champion d’athlétisme Carl Lewis, couronné par neuf médailles d’or olympiques, qui est végétalien depuis les années 1990.

Carl Lewis tranquille, pendant un saut en longueur en 1996.

Le secret d’une alimentation végétarienne équilibrée réside en grande partie dans les associations de céréales et de légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots rouge etc).

Le chercheur en nutrition Denis Corpet explique à propos des légumineuses que, “associées aux céréales, elles présentent une excellente valeur biologique et couvrent les besoins en acides aminés essentiels. Tout le monde connaît ces associations : graine de couscous et pois chiche, riz et soja, maïs et haricot rouge, pain et flageolet. Dans toutes les régions du monde, les êtres humains ont ainsi équilibré leurs apports protéiques pendant des millénaires.”

Alors qu’est-ce qu’on mange ? Plein de choses ! Il y a plein de recettes super bonnes mais qui ne font pas forcément partie des “classiques” français, ou bien qui les détournent en version végétarienne. Il suffit de chercher sur internet pour avoir des idées. Je vous mets au défi de googler n’importe quelle spécialité française en tapant “végétarien” ou “végétarienne” à la fin, et vous verrez.

Et comme je vous aime bien, je vous donne gracieusement cette recette indienne (mais un peu modifiée par mes soins) que j’adore, à base de riz et de lentilles. Vous m’en direz des nouvelles !

Sinon, si vous avez toujours peur de manquer de protéines, sachez que les insectes émettent 80 % moins de méthane que les bovins et contiennent deux fois plus de protéines que le poulet et le steak. Mais je suppute que vous préfèrerez les lentilles.

Des protéines appétissantes

Du coup, je vous propose d’y aller mollo sur la blanquette, et si vous en avez besoin tous les jours dès le petit-déjeuner, essayez la version végétarienne !

Merci OSS 117.

Malgré la longueur de cet article, je ne me suis penchée que sur une petite partie du sujet, celle que je maîtrise le mieux, à savoir le rapport entre environnement et sciences sociales. Mais les enjeux de la production de viande ne s’arrêtent pas là, et appellent d’autres réflexions, philosophiques et biologiques pour les questions d’éthique et de souffrance animale, mais aussi diététiques et sanitaires pour ce qui est de la nutrition et des maladies. Par ailleurs, j’ai volontairement écarté les questions liées à la surpêche et à l’aquaculture industrielle, non pas que ces questions ne soient pas importantes (elles le sont), mais parce que je pense que ça mériterait beaucoup d’explications et que le morceau est déjà assez gros pour aujourd’hui. Des bisous !